Dans un contexte où l'exigence d'une presse libre et indépendante est fondamentale pour la construction d'une société éclairée, la persécution des professionnels des médias en RDC illustre une dérive autoritaire et une intolérance à la critique.

Le meurtre atroce d'Adonis Numbi, directeur général de Pamoja Canal, à Lubumbashi, et la mobilisation de ses confères qui a suivi, sont symptomatiques d'un malaise profond dans le traitement des journalistes en RDC.

Une violence inouïe et une répression systématique

Le cas d'Adonis Numbi, agressé à la machette et retrouvé sans vie le 8 janvier 2025, témoigne de la brutalité avec laquelle la liberté d'expression est étouffée. Cette violence n'est pas isolée : elle s'inscrit dans un schéma plus large où arrestations arbitraires, menaces, disparitions forcées et exécutions sommaires sont monnaie courante. Les forces de sécurité, loin d'incarner une protection des citoyens, se transforment en instruments d'oppression, bénéficiant d'une impunité totale.

La terreur comme outil de domination

Ces actes de répression ne visent pas seulement à réduire les journalistes au silence, mais s'inscrivent dans une stratégie plus large de domination par la terreur. En semant la peur dans le corps social, les autorités cherchent à museler toute forme de contestation, rendant presque impossible l'exercice des libertés fondamentales. Les citoyens, paralysés par la crainte de représailles, se trouvent contraints à une obéissance passive, tandis que les voix dissidentes sont systématiquement traquées et éradiquées. Ce climat oppressant, qui transforme chaque individu en cible potentielle, installe un contrôle total sur les esprits, mais à un coût humain, moral et politique exorbitant.

Une spirale totalitaire sans Issue

La dérive totalitaire ainsi amorcée ne connaît aucune limite, car elle s'auto-alimente par la peur et la violence. À chaque voix réduite au silence, le régime renforce son emprise, mais creuse également un fossé irrémédiable entre lui et la société qu'il prétend gouverner. Cette logique de pouvoir absolu ignore les principes de dialogue et de pluralisme indispensables à toute démocratie viable. En ciblant non seulement les journalistes, mais aussi les activistes, les universitaires et même les citoyens ordinaires, les autorités étouffent progressivement les espaces d'expression et d'innovation sociale. Une telle approche ne peut que conduire à l'impasse : un État bâti sur la répression devient fragile, incapable d'évoluer et vulnérable face aux crises internes et externes.

Les conséquences d'un pouvoir sans limites

Un régime qui ne connaît aucune limite dans sa répression finit inévitablement par s'autodétruire. En refusant toute forme de contestation ou de critique, il se prive des mécanismes nécessaires à sa survie à long terme, comme l'auto-évaluation et la capacité de réformer.

De plus, la terreur généralisée engendre une résistance clandestine qui, bien qu'étouffée temporairement, finit par éclater avec une force dévastatrice. La communauté internationale, alertée par ces dérives, est également susceptible d'intervenir, isolant encore davantage le régime. Ainsi, en s'engageant sur une voie de répression illimitée, les autorités congolaises plongent non seulement le pays dans le chaos, mais s'exposent elles-mêmes à un effondrement inévitable, faute de légitimité et de soutien populaire.

Une méfiance profonde et une rejet clair

Les journalistes en colère ont catégoriquement refusé de rencontrer les autorités provinciales et de recevoir une quelconque aide financière de leur part pour les obsèques d'Adonis Numbi.

Ce refus symbolise bien plus qu'un simple désaccord circonstanciel ; il incarne une méfiance profonde envers un pouvoir perçu comme oppresseur et insensible. Cette décision, prise à Lubumbashi, reflète une rupture de confiance qui dépasse largement les frontières de la ville.

Partout en RDC, la presse, comme d'autres acteurs de la société civile, ressent un fossé croissant entre les autorités et les aspirations des citoyens. L'instrumentalisation des tragédies par les politiciens, souvent accusés de chercher à redorer leur image au lieu de résoudre les problèmes de fond, alimente un rejet systématique de toute forme de coopération avec le pouvoir.

Une défiance généralisée dans les grandes villes

La situation de Lubumbashi illustre une tendance plus large observable dans les grandes villes de la RDC, comme Kinshasa, Goma ou Bukavu, où la défiance envers les autorités est devenue quasi institutionnalisée.

La répression brutale, les arrestations arbitraires et l'impunité des forces de sécurité ont creusé un fossé immense entre le pouvoir et la population. Les journalistes, souvent en première ligne pour dénoncer ces abus, cristallisent cette fracture. Ce rejet va au-delà de la presse : il traduit un ras-le-bol généralisé d'une population qui ne voit plus dans ses dirigeants des protecteurs ou des partenaires, mais des oppresseurs.

La distance entre le pouvoir et les citoyens s'élargit dangereusement, rendant tout dialogue ou réconciliation de plus en plus improbable dans un climat marqué par une méfiance et une défiance mutuelles.

Tribalisme, instrumentalisation et dislocation sociale

Par ailleurs, le tribalisme, érigé en méthode de gouvernance, exacerbe les divisions communautaires et expose les journalistes à des représailles basées sur leur appartenance ethnique. En usant de l'incitation à la haine et à la violence, le régime fragilise davantage une nation déjà ébranlée par des décennies d'instabilité. Cette politique du " diviser pour mieux régner " contribue à désolidariser les citoyens, annihilant ainsi toute forme de résistance collective contre les abus du pouvoir.

La presse : pilier de la démocratie et enjeu de résistance

Le rôle du journaliste est intrinsèquement lié à la quête de vérité et à l'instauration de la transparence dans la gestion de la chose publique. En les réduisant au silence, c'est la voix du peuple que l'on musèle. Pourtant, la mobilisation des journalistes de Lubumbashi illustre une résilience remarquable. Leur refus d'interagir avec les émissaires du gouvernorat et leur marche de colère traduisent une volonté de sauvegarder la dignité et l'intégrité de leur profession.

L'assassinat d'Adonis Numbi et la répression systématique des journalistes en RDC révèlent une crise profonde, non seulement pour la liberté de la presse, mais également pour l'état de droit et les principes démocratiques. Il est impératif que les voix libres continuent de s'élever, non seulement pour honorer la mémoire de ceux qui ont payé de leur vie le prix de la vérité, mais aussi pour bâtir une société où la justice, la liberté et la dignité humaine ne sont pas de simples utopies, mais des réalités accessibles à tous.

Adonis Numbi a été agressé à la machette et retrouvé sans vie le 8 janvier 2025.

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/Assassinat-du-journaliste-Adonis-Numbi-en-RDC.html