Mais cet espoir a été brutalement douché par une décision inattendue de l'Union européenne. À la veille même du sommet, Bruxelles a annoncé des sanctions contre plusieurs cadres du M23, dont son président Bertrand Bisimwa. Un geste qui a immédiatement torpillé l'initiative et soulevé des interrogations sur les véritables intentions de l'Europe dans cette crise.

Un Timing Discutable

En diplomatie, le timing est essentiel. Prendre une décision au mauvais moment peut faire basculer une initiative de paix dans l'échec. Et c'est exactement ce qui s'est passé.

Pourquoi l'UE a-t-elle choisi de sanctionner le M23 précisément à ce moment-là, alors qu'un dialogue était sur le point de s'ouvrir ? Pourquoi ne pas avoir attendu l'issue des discussions avant de poser un tel geste ? Ces questions restent en suspens. Ce qui est certain, en revanche, c'est que cette décision a plombé toute chance de dialogue avant même qu'il ne commence.

Le M23, qu'on l'apprécie ou non, est un acteur clé du conflit en RDC. Sans lui à la table des négociations, difficile d'espérer une solution durable. En l'excluant de facto du processus, l'UE a pris le risque de prolonger encore davantage l'instabilité dans l'est du Congo.

Un Double Discours Européen

L'Union européenne met souvent en avant les droits humains et la stabilité régionale pour justifier ses sanctions. Mais dans ce cas précis, sa décision risque d'avoir l'effet inverse : au lieu de favoriser la paix, elle pourrait bien relancer les hostilités sur le terrain.

Ce n'est pas la première fois que l'UE adopte une posture ambiguë sur la RDC. D'un côté, elle prône la diplomatie et le multilatéralisme, mais de l'autre, elle prend des décisions unilatérales qui affaiblissent les efforts africains de médiation. Une contradiction flagrante.

Cela soulève une question plus large : Bruxelles cherche-t-elle réellement à pacifier la région, ou bien sert-elle d'autres intérêts ? En s'ingérant ainsi dans une initiative africaine, l'Europe donne l'impression qu'elle ne fait pas confiance aux solutions venues du continent.

Un Reste de Paternalisme Occidental ?

L'attitude de l'UE dans ce dossier rappelle des schémas bien connus. Encore une fois, une grande puissance décide du sort d'un conflit africain sans prendre en compte les dynamiques locales.

Or, les temps ont changé. L'Afrique d'aujourd'hui revendique son autonomie et cherche à résoudre ses crises par elle-même. L'initiative de Luanda était un pas dans cette direction. Mais en sabotant cet effort, Bruxelles envoie un message déroutant aux dirigeants africains : leurs solutions ne comptent pas vraiment aux yeux des puissances occidentales.

Un Conflit Toujours Plus Complexe

L'échec du sommet de Luanda est une occasion manquée pour la paix. Sans le M23 à la table des négociations, la réunion risque de n'être qu'un exercice de communication sans impact réel. Et pendant ce temps, la violence continue de frapper l'est du Congo.

En tentant de punir le M23, l'UE pourrait bien obtenir l'effet inverse. Plutôt que d'affaiblir le mouvement, ces sanctions risquent de le radicaliser davantage. Lorsqu'un groupe se sent exclu du processus, il a peu d'incitations à déposer les armes.

Cette décision européenne risque aussi de raviver les tensions régionales. L'Ouganda et le Rwanda, accusés de soutenir le M23, pourraient interpréter cette manœuvre comme une tentative d'affaiblissement de leurs intérêts. De quoi compliquer encore davantage la situation dans les Grands Lacs.

Une Faute Diplomatique qui Pèse Lourd

En politique internationale, savoir saisir les bonnes occasions est essentiel. L'initiative de Luanda, bien que fragile, était une porte entrouverte vers le dialogue. L'UE a choisi ce moment précis pour imposer des sanctions, refermant brutalement cette opportunité.

Ce n'est pas la première fois qu'une décision occidentale vient perturber un processus de paix en Afrique. Et ce ne sera sans doute pas la dernière. Mais à force d'ignorer les réalités du terrain et d'imposer des solutions venues d'ailleurs, l'Occident prend le risque de se voir marginalisé sur le continent.

La paix en RDC ne viendra pas d'une décision prise à Bruxelles, Washington ou Paris. Elle viendra d'un dialogue sincère entre les acteurs du conflit, facilité par des médiateurs africains. En sapant l'initiative de Luanda, l'UE a fait un choix discutable, qui pourrait bien coûter cher à la région.

L'histoire jugera cette décision. Mais pour l'instant, une chose est sûre : un fragile espoir de paix vient d'être balayé, et le conflit en RDC s'enfonce encore un peu plus dans l'impasse.

Ernest Gakuba est l'auteur de l'article

Ernest Gakuba



Source : https://fr.igihe.com/M23-UE-Le-sens-du-timing-et-l-echec-diplomatique-en-RDC.html