Une analyse lucide en forme de propos prémonitoires.

Cette analyse permet de tirer profit d'une mise en perspective de l'état réel dans lequel se trouve la RDC.

Elle permet également de suggérer une lecture contemporaine de la rhétorique de haine en cours dans ce pays.

Depuis des décennies, la RDC est en état de faillite dans tous les secteurs de la vie nationale : institutionnel, éducation, santé, infrastructures, économie, social, rien ne va.

La RDC est dans une crise structurelle, de perte de repères jusqu'à l'utilisation aberrante du pouvoir.

Les gouvernements successifs ont cédé à l'inclination de la corruption et ses avatars plutôt que de fournir des efforts et éviter la faillite.

Ils se sont montrés incapables de mettre en application les différents accords avec le Congrès National pour la Défense du Peuple " CNDP " ainsi que le M23 ou Mouvement du 23 mars.

En dépit de l'abondance de ressources naturelles, de la fertilité des terres, la pauvreté et la misère sont endémiques dans ce pays.

Le discours de haine remit au goût du jour par les autorités, les intellectuels, la classe politique constitue un télescopage de l'histoire, de la citoyenneté et de la mémoire qui sont au cœur du contentieux.

En plus d'être détestable, cette fuite en avant est contre-productive.

Mais les pêcheurs en eau trouble vivent de l'agitation des préjugés, rancœurs et du rejet de l'autre.

Ce qui instruit les enjeux actuels de ces interprétations mémorielles et politiques.

Car il y a eu en 1964 " la révolte de kanyarwanda ", dans les années 1980 la naissance de la " Mutuelle des agriculteurs de Virunga : MAGRIVI ".

Un mouvement politique structuré, financé par le régime Habyarimana pour dresser les hutus contre les tutsis et par la même occasion les autres tribus contre les tutsis.

Ils avaient des relais à Kinshasa. Lesquels empruntaient des chemins détournés, du subterfuge, de la machination de la haine anti tutsi.

Ils vont se lancer dans la distribution des tracts présentant les tutsis comme des " étrangers ". Et procèderont à des assassinats des commerçants tutsis.

A la conférence nationale souveraine on avait brandi la " nationalité douteuse " et entrainé des violences et meurtres à caractère identitaire à l'Est du pays.

Dans le Nord et Sud Kivu, des milliers de rwandophones étaient arrêtés, emprisonnées, torturées, exécutées et leurs biens pillés au seul motif identitaire.

Plusieurs rapports des organisations de droits de l'homme indiqueront " des crimes au service d'un chaos organisé ".

Le Conseil National pour la Défense du Peuple " CNDP " de Laurent Nkunda et son héritier le M23 portent les stigmates de ces persécutions.

Et de la question non résolue des droits à la citoyenneté.

Ils sont les témoins des étapes et des engrenages de la dérive identitaire dans leur pays, la République Démocratique du Congo.

En RDC, on n'a pas pris le temps de réfléchir à comment peut basculer un pays, une nation dans les dérives identitaires.

Quels sont les mécanismes humains qui conduisent à ces engrenages et crimes de masse jusqu'aux crimes contre l'humanité.

L'autorité devrait tirer des leçons de l'expérience collective des massacres ciblés. Il faudra, à un moment ou à un autre, remuer le passé, aussi douloureux soit-il, pour en déceler les mécanismes.

Parce qu'il y a dans ce pays une paresse intellectuelle qui utilise et détourne l'histoire, qui falsifie et instrumentalise l'histoire.

A la Table Ronde de Bruxelles en 1959, la délégation congolaise venu négocier les conditions de l'indépendance avait acté que " toutes les populations établies sur le territoire national seront de nationalité congolaise au 30 juin 1960 ", date de l'accession à la souveraineté internationale.

Aujourd'hui, des congolais sont indésirables dans leur propre pays. Qui peut comprendre ça ?

Mais c'est le fruit des préjugés entretenus et encouragés par des politiciens véreux, des autorités locales, des intellectuels et une partie du clergé.

Ajouté à cela les tensions sociales liées à la pauvreté et la misère, le discours de haine y trouve un écho favorable dont le basculement s'est avéré fatal.

En République Démocratique du Congo, la paupérisation de la population aura été le terreau qui a permis la diffusion des messages de haine, de violence, de meurtres et de destruction.

La combinaison des mécanismes individuels, collectifs et institutionnels nourrissent le discours de haine mortifère.

Une haine de l'autre entretenu. Cette xénophobie source de persécutions, massacres avec une garantie d'impunité doit être interrogé.

Ce décalage devenu béant renseigne sur l'enfermement de la classe dirigeante dans sa tour d'ivoire et s'y accroche au prix de toutes les compromissions.

Dans un moment particulièrement délicat de transition vers la paix, le péril du discours haineux menace la RDC.

Celui de l'enfermement dans des certitudes erronées et qui désignent le bouc émissaire. Ce danger a pris la forme de crispation identitaire.

La diversion vers un bouc émissaire sert à éviter d'affronter les vrais problèmes.

Avec en toile de fond la fumeuse théorie de " balkanisation " qui accuse le nommément le Rwanda de nourrir des velléités d'annexion d'une partie du Congo.

Et ceci en complicité avec " les rwandophones tutsis " présents ainsi que des renforts d'autres rwandais envoyés clandestinement pour préparer ladite connexion.

La diffusion de cette thèse jette en pâture les tutsis congolais qui, en plus d'être stigmatiser comme étrangers sont maintenant présenté comme de " traitres ".

Il va falloir dégager les enjeux et bien cerner les ambivalences loin des polémiques. On devrait en débattre sans céder à l'insulte ou à l'invective.

Le temps est venu pour que la République Démocratique du Congo se regarde dans le miroir. La paupérisation qui a conduit à une perte de repères collectifs, la défiance vis-à-vis de l'Etat, une brutalisation du débat et le rejet de l'autre.

Là est le basculement !

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/Derives-identitaires-en-RDC.html