La ville stratégique de Bunagana, à la frontière avec l'Ouganda, au Nord-Kivu, a échappé au contrôle des forces armées congolaises FARDC depuis le matin du lundi 13 juin 2022. Soutenus par l'armée rwandaise, les terroristes du mouvement du 23 mars (M23) se sont accaparés Bunagana sur fond d'une complicité qui aurait été jouée entre Kampala et Kigali. Près de 3 mois après, la cité de Bunagana est toujours administrée parallèlement par les terroristes du M23, qui contrôlent ainsi les entrées et sorties sous l'œil impuissant de Kinshasa, capitale de la RDC.

Échec des pourparlers de Luanda

Alors que l'option militaire piétine, Kinshasa s'était retournée vers une solution diplomatique. Cependant, en dépit de la bonne volonté des autorités congolaises à dialoguer avec les pays voisins, l'option diplomatique n'avance pas. Kinshasa et son voisin de Kigali s'accusent mutuellement et se regardent depuis lors en chiens de faïence.

De Nairobi à Luanda, aucune avancée n'a été trouvée. Kinshasa accuse Kigali de parrainer le mouvement du M23 qui s'est emparé de Bunagana, il y'a de cela 84 jours alors Kigali pointe Kinshasa de collaborer avec les combattants des FDLR.

Début juillet, la tripartite organisée sous les auspices du président Angolais Joao Lourenço, désigné médiateur par l'Union africaine avec le président de la RDC, Félix Tshisekedi et celui du Rwanda, Paul Kagame s'est déroulée sous un climat de méfiance entre Kinshasa et Kigali.

Néanmoins, cette rencontre a conduit à la mise en place d'une feuille de route obligeant notamment le mouvement terroriste du M23 de cesser immédiatement les hostilités et de se retirer des localités occupées dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu, mais le cessez-le-feu n'a jamais été observé sur terrain en dépit de l'accalmie.

Aucune évolution significative

Intervenant le 31 août dernier à la réunion virtuelle du conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine, le vice-premier ministre congolais en charge des affaires étrangères, Christophe Lutundula a dénoncé, le fait qu'à ce jour, ni les militaires rwandais ni les rebelles du M23 ont quitté le Nord-Kivu.

Le Chef de la diplomatie congolaise a indiqué que la situation n'a pas évolué positivement et ce, en dépit de la fameuse feuille de route signée à Luanda qui devrait aboutir à une désescalade, mieux un cessez-le-feu " immédiat ".

" La situation n'a guère évolué positivement, en dépit de recommandations de votre Conseil et des positions fermes prises par la Commission de l'UA et le Conseil de Sécurité des Nations Unies "‬, observe Lutundula qui par la suite précise qu'en effet, " à ce jour, ni les forces rwandaises ni les terroristes du M23 ne se sont retirés de la province du Nord-Kivu.

" Ils mènent fréquemment des incursions pour conquérir d'autres espaces territoriaux en RDC, provoquant ainsi des tragédies humaines ", a-t-il renchéri.

Par la même occasion, Kinshasa pointe les rebelles du M23, d'être coupables des " tueries, des déplacements forcés massifs des populations, les viols des femmes et autres violations graves des droits de l'Homme, sans compter le pillage de leurs biens ".

Pour Lutundula, " il est nécessaire de créer un environnement approprié et les conditions de retour de la confiance mutuelle entre les parties prenantes, plus spécialement entre la RDC et le Rwanda afin de favoriser un dialogue sincère, constructif et fructueux ".

Il a dans la foulée , exigé le " retrait immédiat et sans condition du M23 des localités occupées, la cessation immédiate et sans condition des interventions militaires rwandaises sur le sol congolais et de son soutien au M23 et le retour des personnes déplacées à leurs domiciles ".

Entre-temps, le gouvernement n'est pas prêt à un dialogue avec le M23, qu'il considère comme un groupe terroriste. Il soutient toujours, s'appuyant sur le récent rapport d'experts des Nations unies, que le M23 ne résiste que parce qu'il reçoit un appui de Kigali. Dans ledit rapport, le groupe d'experts des Nations unies a confirmé début d'août disposer de " preuves solides " que les RDF (Forces de défense rwandaises) combattent aux côtés du groupe rebelle M23 dans l'est de la RDC et lui fournissent des armes et un soutien.

Le groupe de l'ONU a détaillé des preuves, notamment des photos de soldats rwandais dans un camp du M23, des images de drones montrant des colonnes de centaines de soldats marchant près de la frontière rwandaise, et des photos et des vidéos montrant des combattants du M23 avec de nouveaux uniformes et équipements similaires à ceux de l'armée rwandaise.

Le Rwanda conteste ces allégations qu'il qualifie de " non validées " soutenues par le Groupe d'experts des Nations Unies.

Bunagana constitue une des principales sources des recettes douanières de la République démocratique du Congo (RDC), au regard de sa position stratégique par rapport au Rwanda et à l'Ouganda.

D'après les sources douanières, la cité de Bunagana génère, en temps ordinaire, entre 4 à 5 millions USD le mois pour le trésor public. Pendant ce temps, des taxes sont imposées aux habitants par l'administration parallèle installée par le mouvement terroriste.

Carmel NDEO

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Source : https://www.politico.cd/la-rdc-a-la-une/2022/09/08/rdc-pres-de-3-mois-apres-bunagana-toujours-sous-occupation-des-miliciens-m23.html/115197/