Dans leur note d'analyse du mois de mars, le Groupe d'étude sur le Congo (GEC) et Ebuteli sont revenus sur la controverse autour de la décision de la Cour constitutionnelle d'autoriser la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à procéder à l'enrôlement des congolais vivant à l'étranger uniquement en Afrique du Sud, en Belgique, au Canada, aux États-Unis d'Amérique et en France.

Selon le GEC et Ebuteli, si cette décision demeure critiquable sur le fond, c'est plus sa forme qui pose problème. Pour ces deux instituts de recherche, en principe, la CENI " ne peut " saisir la Cour constitutionnelle que lorsqu'elle lui sollicite l'examen de la conformité à la Constitution de son règlement intérieur. Comme toute autre personne physique ou morale, elle peut également le faire " pour inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire ", conformément à la Constitution, ont-ils avancé.

" En revanche, aucun texte législatif ou réglementaire ne donne la possibilité à la CENI de saisir la Cour constitutionnelle en interprétation de la Constitution. Seuls le Président de la République, le gouvernement, le président du Sénat, le président de l'Assemblée nationale, un dixième des membres de chacune des chambres parlementaires, les gouverneurs de province et les présidents des assemblées provinciales sont habilités à introduire auprès de la Cour constitutionnelle des requêtes en interprétation de la Constitution ", ont affirmé GEC et Ebuteli.

Le rôle régulateur de la Cour constitutionnelle

Dans leur note d'analyse, GEC et Ebuteli ont affirmé que la centrale électorale a bien demandé à la Cour constitutionnelle d'interpréter l'article 5 alinéa 5 de la Constitution, et la haute juridiction n'a pas rejeté cette requête estimant que " certes la CENI n'avait pas qualité pour la saisir dans ce dossier, mais qu'elle acceptait tout de même d'examiner sa demande en vertu de son rôle régulateur des pouvoirs ".

La Cour constitutionnelle s'est ainsi appuyée sur sa " jurisprudence constante en la matière en vue d'assurer la régularité du processus électoral et le bon fonctionnement des institutions de la République ", ont-ils précisé.

Par ailleurs, ils ont indiqué que l'enrôlement des congolais de l'étranger étant une matière reprise dans la Constitution, mais détaillée et mieux organisée dans la loi portant identification et enrôlement des électeurs ainsi que dans les mesures d'application de cette dernière, il aurait été judicieux pour la Commission électorale de " solliciter " plutôt au Conseil d'État l'interprétation de ces textes que de saisir, " sans fondement juridique clair ", la Cour constitutionnelle, " d'autant que le Conseil d'État est compétent pour interpréter les lois et les actes réglementaires ".

A en croire GEC et Ebuteli, le choix de la CENI de se tourner " toujours " vers la Cour constitutionnelle paraît être " politique ". Car chaque fois que la seconde est saisie par la première, " c'est un feu vert qui est toujours accordé ".

" En occurrence, pour le droit d'être électeur lorsqu'un Congolais vit à l'étranger, la Cour constitutionnelle précise désormais que " tous les Congolais ont le droit d'être électeur et de bénéficier, sauf cas de force majeure, de services de la Ceni pour se faire identifier et enrôler ", ont-ils expliqué.

Autrement dit, comme " la CENI dit ne pas être à mesure d'organiser l'enrôlement des Congolais dans toutes les 66 missions diplomatiques de la RDC dans le monde ", la Cour constitutionnelle l'autorise à le faire dans cinq pays pilotes qu'elle-même, la commission électorale, a choisis.

" Cette décision de la Cour constitutionnelle offre à la CENI une large marge de manœuvre pour déterminer qui peut être électeur et qui ne peut pas l'être, en s'appuyant sur la force majeure ", ont ajouté ces deux instituts de recherche.

L'inclusivité du processus électoral

GEC et Ebuteli ont rappelé qu'en 2016, la même Cour constitutionnelle avait autorisé le report des élections sine die pour notamment " garantir l'inclusivité des Congolais de l'étranger, le temps de pouvoir les identifier et de les inscrire sur les listes électorales ".

Ainsi pour eux, en limitant l'identification et l'enrôlement des électeurs aux seuls congolais résidant dans ces cinq pays étrangers, la Cour constitutionnelle " pèche " contre l'inclusivité du processus électoral " qu'elle disait, hier, vouloir garantir ".

" Aujourd'hui, la Cour constitutionnelle opte donc pour une inclusivité partielle et progressive. Un pas dans la bonne direction ou un précédent dangereux ? En tout cas, cette décision d'exclure une partie des Congolais de l'étranger du processus électoral parce qu'ils ne vivent pas dans les cinq pays pilotes risque de servir de base juridique suffisante pour ne pas non plus inscrire sur les listes électorales certains citoyens se trouvant dans des zones en proie à la violence armée, en Ituri et au Nord-Kivu ", ont-ils conclu dans leur note d'analyse.

Monge Junior Diama

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