Il est désormais établi, au-delà de tout doute raisonnable, qu'elle s'est trouvée au cœur du régime génocidaire qu'a connu le Rwanda en 1994.

Un faisceau d'indices sérieux et concordants indiquent qu'aussitôt après le crash de l'avion dans la nuit du 6 avril 1994, elle a personnellement dicté les noms des personnalités à exécuter immédiatement.

En France, la commission de recours des réfugiés lui avait refusé l'asile au motif qu'il y avait des "raisons sérieuses de penser" à son implication "en tant qu'instigatrice ou complice" au "crime de génocide" entre avril et juillet 1994 au Rwanda.

Le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative en France avait indiqué s'être rangé derrière l'appréciation de la commission estimant que celle-ci s'était appuyée sur des "faits pertinents et matériellement exacts" pour prendre sa décision.

La justice francaise estimait qu'il existait, au vu de l'ensemble des éléments de son dossier de demande d'asile, " que ses déclarations ainsi que celles de ses témoins versés au dossier, n'apparaissaient pas crédibles devant l'importance et la fiabilité des travaux de recherches et des témoignages examinés ".

Ainsi, Kanziga fut débouté, ses moyens étant infondées et inopérants.
La justice avait estimé que si au cours de l'entretien qui lui a été accordé, l'intéressée s'était efforcée de circonscrire sa personnalité et son rôle à celui de simple épouse d'un chef d'Etat, confinée à des actions classiques de représentation sans la moindre influence sur l'évolution politique du Rwanda entre 1973 et 1994.

Si la justice ne pouvait que confirmer la validité de ses affirmations sur l'absence de tout statut officiel dans les structures dirigeantes rwandaises, nombre de témoignages ont relevé, a contrario, l'importance de son clan dans l'organisation politique de la société rwandaise.

Les mêmes témoignages avaient souligné l'usage par Agathe, dès le commencement de la seconde République, de prérogatives en matière de promotion et d'éviction des personnes appelées aux plus hauts postes à responsabilité.

Celle-ci a plus largement mis en œuvre un pouvoir d'influence afin d'imposer ses directives ou ses choix en matière politique par l'utilisation de leviers dans son entourage, qualifié de " clan de Madame ".

Ainsi donc et contrairement à ses allégations, l'ensemble des recherches sur cette construction dirigeante au Rwanda souligne en effet que ses proches tels que ses cousins Elie Sagatwa, Séraphin Rwabukumba ou son frère Protais Zigiranyirazo n'auraient pu exercer pleinement leur influence sans son assistance directe et essentielle dans le système politique rwandais.

En opposition directe avec ses dénégations, l'existence d'une élite privilégiée baptisée akazu, qui a confisqué le véritable pouvoir en institutionnalisant les soutiens familiaux, a été confirmée par les plus éminents chercheurs sur l'histoire politique au Rwanda.

Elle avait la main mise sur les diverses opérations économiques, qualifiées par certains spécialistes de mafieuses, menées par les personnages de l'akazu qui n'ont pu atteindre une telle ampleur qu'avec l'implication de Mme Agathe.

Ce système clanique de partage et d'utilisation des prébendes financières ; au sein de cette structure officieuse, détentrice du véritable pouvoir, s'était organisée également une entité adepte d'une terreur d'Etat, dont le but était l'élimination d'opposants ou d'adversaires.

Cette confrérie, appelée réseau Zéro de Monsieur " Z " à savoir Protais Zigiranyirazo, frère de l'intéressée, a mis en ordre de marche, avec d'autres membres de leur famille, des escadrons de la mort, par un fonctionnement hiérarchique désignant Mme Agathe comme la pièce maîtresse de ce système de répression.

Le rapport publié par la Commission d'enquête internationale sur les violations des droits de l'Homme au Rwanda depuis le 1er octobre 1990 décrivait le rôle personnel d'Agathe dans l'organisation des massacres des Bagogwe en 1991.

D'autres sources avaient mentionnée la responsabilité de son frère, Monsieur " Z ", et de l'intéressée elle-même, dans la disparition de prisonniers politiques, anciens dirigeants de la première République.

Sur cet épisode, l'affirmation par Agathe des conditions relativement clémentes qui ont présidé à la réclusion de l'ancien président Grégoire Kayibanda et du caractère naturel de son décès, se révèleront en contradiction flagrante avec son élimination notoirement violente.

De nombreux travaux de recherche ont mis en évidence le rôle prédominant d'Agathe dans le lancement puis le contrôle du journal extrémiste " Kangura ", sa mise à disposition de fonds importants dans la création de la Radio télévision Libre des " Milles Collines " (RTLM), et le soutien qu'elle a manifesté à cet outil de diffusion de la haine ethnique anti tutsi apportant ainsi un appui à la machine politique destinée à défendre la cause hutu power.

Des études démontrent que le noyau extrémiste de l'akazu, auquel Agathe appartenait, a mis en place dès 1992 l'appareil génocidaire, mettant l'accent en particulier sur la formation et l'équipement des milices Interahamwe et l'achat d'armes, menés par l'entourage immédiat du président Habyarimana dont son épouse.

Ces études ont surtout démontré que l'ampleur de cette organisation n'a pu se développer qu'avec l'approbation et le soutien d'Agathe.

Les termes de l'acte d'accusation ouvert devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à l'encontre de son frère, Protais Zigiranyirazo, associait pleinement Agathe à la mise en forme graduelle de ce plan génocidaire.

Elle est désignée explicitement comme partie prenante des décisions des autorités des préfectures de Kigali ville et Gisenyi pour planifier, préparer et faciliter les attaques contre les tutsi et pour établir vers le 11 février 1994 une liste de membres influents du groupe ethnique tutsi et de hutu modérés qui devaient être exécutés.

L'intéressée a enfin réfuté l'existence d'un génocide au Rwanda entre avril et juillet 1994, s'appliquant à qualifier les événements survenus à cette époque de simple guerre civile interethnique alimentée exclusivement par l'agression du FPR et le ralliement massif des tutsi à ce mouvement.

De nombre travaux de recherche convergents, toujours en opposition avec les affirmations d'Agathe à ce propos, témoignent de sa participation à de nombreuses discussions politiques pendant les toutes premières heures qui ont succédé à la disparition de son époux le 6 avril 1994, et qui ont permis l'accès au pouvoir des franges les plus extrémistes du monde politique impliquées dans le processus génocidaire, et de son assentiment, à tout le moins, aux actions de terreur engagées en particulier par la Garde présidentielle, notamment à l'encontre du Premier ministre du Rwanda, Mme Agathe Uwilingiyimana et du président de la cour constitutionnelle, Kavaruganda.

Diverses indications révèlent également ses interventions, depuis l'étranger, dans les affaires intérieures rwandaises, en liaison continue avec des personnalités du gouvernement intérimaire, impliquées dans le génocide, et sa tentative de mettre à leur service ses accointances au sein de la communauté internationale.

Ces développements permettent dès lors d'établir la réalité de l'influence prépondérante d'Agathe dans le fonctionnement du pouvoir politique tel qu'il s'est réellement exercé au Rwanda de 1973 à 1994.

Notamment par un rôle de coordinatrice occulte de différents cercles politique, économique, militaire et médiatique, de souligner également la réalité de son positionnement prépondérant au sein de ce qui a été désigné comme l'akazu, au sens d'une confrérie fondée sur des liens familiaux, d'affaires ou d'intérêts impliquée dans l'exercice autoritaire du pouvoir.

Mais aussi par l'intermédiaire de structures de violence organisée, de déterminer enfin sa participation, au sein de ces différentes structures, à l'élaboration et à la préparation de massacres sur une base ethnique d'avril à juillet 1994.

Tous ces éléments constituent des raisons sérieuses de penser que Mme Agathe Kanziga a participé en tant qu'instigatrice ou complice à la commission du crime de génocide.

Evacuée dès les premiers jours du génocide vers la France par des militaires français, puis définitivement installée en France à partir de 1998, Agathe Habyarimana est souvent présentée comme patronne de l'"akazu", le premier cercle du pouvoir qui a fomenté le génocide contre les tutsi au Rwanda en 1994.

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/Agathe-akazu-et-le-genocide-contre-les-tutsi.html