Alors que Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo est au bord de l'embrasement suite à l'extension du conflit interethnique opposant les communautés Teke et Yaka dans les provinces du Kwango et de Mai-Ndombo (Kwamouth), le gouvernement avance la thèse d'une manipulation politicienne dont l'objectif est de fragiliser les institutions étatiques et saboter l'autorité de l'Etat.

" Ceux qu'on appelle Mobondo sont des jeunes gens qui sont initiés, qui pensent qu'ils sont invulnérables à des balles, ces gens s'attaquent à tout ce qui est symbole de l'État, ils s'attaquent à nos forces de sécurité et de défense, ces gens tuent la population civile, incendient des villages entiers et à la base il y a un conflit à la fois des terres mais aussi coutumier ", a expliqué le vice-premier ministre, ministre de l'Intérieur, Sécurité et affaires coutumières lors d'une conférence de presse tenue ce mercredi à Kinshasa.

Selon Peter Kazadi, les renseignements à sa disposition indiquent l'implication de certaines personnalités politiques et notabilités qui entretiennent ce conflit, intoxiquent des populations, les incitent à massacrer les autres croyant ainsi fragiliser les institutions de l'État et saboter l'autorité de l'État. " L'insécurité de l'Est s'étend vers l'ouest avec l'accompagnement des hommes politiques ", a affirmé le chef de la Territoriale.

L'insécurité dans les provinces de Kwango et Mai-Ndombe dans le Grand Bandundu avec le phénomène " Mobondo " [des hordes de jeunes pour la plupart armés de machettes, le front ceint de bandeaux rouges et entonnant des chants guerriers menaçants], qui a connu sa naissance à Kwamouth est bien réelle. Ce phénomène s'est étendu dans les périphéries de Kinshasa, particulièrement dans la commune de Maluku. Il s'est aussi étendu dans le Kwango ainsi que dans le Kongo Central.

Les " Mobondo " sont des miliciens ayant combattu lors du conflit sanglant entre les communautés Teke et Yaka à Kwamouth, dans la province du Maï-Ndombe. Ils se sont ensuite retranchés à Batshongo au Kwango.

Il y a quelques semaines, cette milice et les Forces armées congolaises se sont affrontées dans les localités de Batshongo et de Mongata, non loin du pont Kwango, dans la province du Kwango, dans l'Ouest de la RDC. Ces accrochages à environ 200 Km de Kinshasa auraient fait 11 morts dont 7 militaires, 2 policiers et 2 civils.

Il n'y a pas de conflit entre les Teke et Yaka à Kwamouth

L'église catholique en RDC avance également la thèse d'une manipulation concoctée par certains acteurs politiques, tireurs de ficelles pour leurs intérêts politiques.

En marge de sa visite pastorale dans le diocèse de Popokabaka situé en territoire de Kasongo-Lunda (Kwango), le cardinal Fridolin Ambongo a soutenu dans son homélie qu'il n'y a pas de conflits entre Teke et Yaka à Kwamouth.

" Je suis ici à Kasongo-Lunda, siège du chef traditionnel des Yaka qui est ici là devant moi. Je ne sais pas si vous vous sentez en guerre contre les Teke, en commençant par votre chef. Est-ce que vous êtes vraiment en guerre contre les Teke ? Non. Faisons attention avec cette affaire. Après mes deux voyages à Kwamouth, j'ai fait un rapport que j'ai remis au Premier Ministre, en lui disant qu'il n'y a pas de conflits entre Teke et Yaka à Kwamouth. Parmi les communautés qui habitent le territoire de Kwamouth et qui font partie de ce conflit, il y a les Bangala, les Baluba, les Batetela, les Bayanzi, les Bambala et les Bayaka. Pourquoi dire conflit Teke- Yaka alors qu'il y a plusieurs communautés dans ce conflit ? C'est tout simplement parce qu'il y a des faux Kiamvus qui sont venus de Kinshasa, qui vont parler avec les chefs des terres pour leurs intérêts politiques, alors que le vrai chef traditionnel Yaka est ici à Kasongo-Lunda. Ces gens sont connus. A cause de leurs intérêts politiques, ces faux kiamvus cherchent à mettre les Yaka sur la terre des Teke. Ce qui est inacceptable ", a tonné le Cardinal Ambongo en commentaire de son homélie du 12 mai dernier.

Une mise en scène et une instrumentalisation du conflit depuis Kinshasa pour des intérêts politiques et économiques

Au terme de la Session ordinaire de 2023 tenue du 16 au 21 mai à Kenge, le Cardinal et les Evêques, membres de l'Assemblée Episcopale Provinciale de Kinshasa ont affirmé dans leur communiqué final qu'à l'issue de plusieurs visites pastorales sur terrain, des entretiens, des contacts et des témoignages recueillis auprès de différentes couches de la population, que des " mains invisibles sanguinaires " à partir de Kinshasa se cachent derrière tous ces conflits.

" En effet, partis d'un litige foncier, ces conflits sont récupérés par des personnes qui défendent des intérêts occultes à caractère politique et économique. Visiblement, nous assistons impuissants à une pure instrumentalisation de ces conflits par certains hommes politiques en quête de légitimité locale ", peut-on lire dans leur déclaration.

Selon les prélats catholiques, derrière cette mise en scène du conflit Teke-Yaka se cachent des intérêts économiques visant à confisquer les terres aux peuples qui les ont toujours occupées dans une coexistence pacifique.

" Comment ne pas l'affirmer, lorsque nous constatons que les pyromanes d'hier sont aujourd'hui investis de la mission de sapeurs-pompiers au détriment des populations victimes des actes barbares? A cette allure, nous craignons l'extension de ces conflits sur l'ensemble de nos provinces, nous éloignant durablement de la paix tant désirée ", ont-ils prévenu.

Dans leur conclusion, le Cardinal Ambongo et les évêques ont instamment demandé aux vrais responsables de ces conflits et de ces massacres de retirer leurs " mains sanguinaires " de ces provinces.

" Agissez en responsables pour protéger notre peuple ! Cessez de manipuler et d'instrumentaliser un peuple déjà meurtri par la souffrance, la misère et les deuils récurrents ", ont-ils conclu.

Carmel NDEO

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Source : https://www.politico.cd/encontinu/2023/05/24/extension-du-conflit-teke-yaka-a-kinshasa-le-gouvernement-affermit-la-piste-dune-main-noire-politicienne-pour-fragiliser-les-institutions-et-saboter-lautorite-de-letat.html/133384/