Bien que M. Gbagbo ait été acquitté par la justice internationale des accusations de crimes contre l'humanité commis pendant la violente crise post-électorale de 2010-2011, il reste sous le coup d'une condamnation à 20 ans de prison en Côte d'Ivoire pour le "braquage" de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) en 2011.
Cette condamnation, prononcée en 2018 alors qu'il était détenu à La Haye, a entraîné la privation de ses droits civiques et politiques, et donc sa radiation des listes électorales.
La grâce présidentielle accordée l'année dernière par le président Alassane Dramane Ouattara dans cette affaire n'a pas modifié son statut.
Lors de la publication de la liste électorale à Abidjan samedi, Sébastien Dano Djédjé, cadre du Parti des peuples africains-Côte d'Ivoire (PPA-CI), la formation de M. Gbagbo, a dénoncé cette décision "injuste".
"Il en résulte une remise en question de la crédibilité de la Commission électorale indépendante (CEI). Le processus électoral perd de sa crédibilité", a-t-il ajouté avant de quitter la cérémonie avec la délégation du parti.
Le président de la commission, Kuibiert Coulibaly, a répondu en disant : "Nous ne nous acharnons pas sur Laurent Gbagbo. Il existe une décision de justice qui n'est pas le fait de la CEI. La CEI ne fait qu'exécuter ce que la loi stipule." Il a précisé que "11 000 personnes" avaient été privées de leurs droits civiques et politiques.
Le PPA-CI a tenu une conférence de presse samedi après-midi pour dénoncer cette "inacceptable provocation".
"La persistance de l'entêtement du régime ivoirien met gravement en péril la paix et la cohésion sociale", a déclaré Justin Koné Katinan, porte-parole du parti de M. Gbagbo. L'absence de M. Gbagbo sur la liste électorale "constitue un casus belli", a-t-il ajouté.
Le PPA-CI s'appuie notamment sur une décision de la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples qui avait ordonné en 2020 la réintégration de l'ancien président ivoirien sur la liste électorale.
Les instances du parti se réuniront bientôt pour examiner d'éventuels recours. Les réclamations peuvent être déposées auprès de la CEI jusqu'au 8 juin prochain.
Après l'élection présidentielle de 2020 qui a vu la réélection controversée d'Alassane Ouattara pour un troisième mandat et où des violences ont fait 85 morts et 500 blessés, la Côte d'Ivoire a connu une période d'apaisement politique.
Les élections législatives de 2021 se sont déroulées dans le calme et l'ancien président Laurent Gbagbo a pu retourner en Côte d'Ivoire en juin 2021 après avoir été acquitté par la CPI. À deux reprises, il a même rencontré le président Ouattara afin de "détendre le climat" politique ivoirien.
Cependant, ces dernières semaines ont été marquées par des tensions entre les deux camps opposés lors de la crise post-électorale de 2010-2011, qui a fait 3 000 morts.
Le PPA-CI a notamment accusé le pouvoir "d'instrumentaliser la justice" après l'arrestation en février de 26 de ses militants pour "trouble à l'ordre public" lors d'une manifestation à Abidjan.
Condamnés en première instance à deux ans de prison ferme, ils ont été condamnés à deux ans avec sursis en appel.
Environ huit millions d'électeurs sont appelés à voter le 2 septembre prochain en Côte d'Ivoire pour renouveler les conseils municipaux et régionaux.
La prochaine élection présidentielle est prévue en 2025.
Jean Jill Mazuru
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