La tension est à son comble entre un pouvoir campé sur ses positions et une opposition qui gronde d'impatience, dans une ambiance marquée par les affrontements dans l'Est et une situation sociale préoccupante.
La bataille pour la présidentielle, une joute électorale décisive prévue pour le 20 décembre dans cet immense territoire peuplé de 100 millions d'âmes, se tiendra en tandem avec les élections législatives et provinciales, ainsi que les consultations communales. À l'affiche, le président en exercice depuis janvier 2019, Félix Tshisekedi, briguant un second mandat.
Les échos des précédentes élections, différées de deux ans, résonnent toujours dans les esprits de certains Congolais. Ceux-ci anticipent avec appréhension ce qu'ils qualifient de "glissement", redoutant des retards dans l'organisation du scrutin. Toutefois, les dirigeants réaffirment leur engagement à respecter les "délais constitutionnels". La Commission électorale nationale Céni se distingue par sa ponctualité exemplaire, se tenant rigoureusement à son calendrier.
La Céni a procédé à l'inscription des électeurs, une manuvre cruciale qui lui a permis de remanier le registre électoral. Ce dernier a bénéficié d'un "audit externe" et a servi de fondement à la loi de "répartition des sièges", adoptée sans tarder par le Parlement et promulguée le 15 juin.
En dépit de la méfiance généralisée, Trésor Kibangula, analyste politique à l'institut de recherche Ebuteli, affirme que "la Céni a prouvé qu'elle est capable de respecter les délais. Un glissement devient de plus en plus improbable."
La controverse demeure cependant, notamment autour de la composition de la Céni et de la Cour constitutionnelle, considérées comme les gardiennes ultimes du processus électoral. Plusieurs formations politiques, portées par quatre opposants déclarés à la présidentielle, réclament une refonte de ces instances, qu'ils accusent d'ouvrir la voie à la fraude et au chaos.
Ces opposants - Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Matata Ponyo et Delly Sesanga - mettent aussi en cause l'intégrité du registre électoral, qu'ils jugent "fantaisiste". Ils déplorent notamment que l'inscription des électeurs n'ait pas pu se faire dans des territoires déchirés par les violences armées et que l'audit ait été bouclé en un temps record de cinq jours.
La répression violente d'une de leurs marches le 20 mai a suscité de vives protestations de la part de l'Église catholique, de la société civile et de la communauté internationale. Le camp de l'ancien président Joseph Kabila (2001-2019), de son côté, a jusqu'à présent exhorté ses partisans à boycotter le processus électoral.
Trésor Kibangula suggère qu'un "nouvel audit indépendant et transparent du registre électoral" pourrait être la clé pour apaiser les tensions politiques. Selon lui, l'opposition, tout en demandant des garanties de transparence, devrait aussi se préparer pour les élections.
Alphonse Maindo, professeur en science politique, exprime son scepticisme quant à la possibilité de tenir de "bonnes élections" le 20 décembre. Il propose une "transition" pour se préparer sereinement et mobiliser les ressources nécessaires.
"Les mois à venir s'annoncent tumultueux, avec des manifestations, des arrestations, des procès...", prédit le professeur. De plus, l'indécision du célèbre docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018 et pressenti comme candidat à la présidentielle, ajoute une note d'incertitude.
En outre, l'abstention risque d'être élevée, alimentée par la méfiance envers le processus électoral et l'élite politique, ainsi que par les préoccupations quotidiennes des Congolais, accablés par le chômage et l'inflation.
Dans l'ombre des trésors enfouis du Congo, deux tiers des citoyens peinent à joindre les deux bouts, une réalité amère qui contraste avec la richesse de leur sol. Les élections à venir ne sont pas seulement une question de politique ou de pouvoir, mais elles symbolisent l'espoir d'une nation pour un changement tangible, un nouveau chapitre qui pourrait potentiellement redéfinir la trajectoire socio-économique de ce pays aux ressources immenses.
Franck_Espoir Ndizeye
Source : https://fr.igihe.com/RDC-La-fievre-electorale-s-empare-du-pays.html
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