Ses récits sont ceux d'une réfugiée congolaise, témoin de l'effondrement de son monde, qui, bien que déracinée, n'a jamais cessé de rêver de sa terre natale.
" La haine ethnique a ruiné ma vie ", partage-t-elle avec une pointe de tristesse, mais aussi une résilience inébranlable.
" Les doux souvenirs de mon enfance se situent dans les riches collines du Masisi, où ma famille Tutsi de huit personnes vivaient de la terre et du bétail, tout comme des centaines d'autres familles. Cinq générations d'ancêtres ont paisiblement coexisté avec les communautés locales, et la question de l'identité ethnique était étrangère à mon esprit d'enfant ", déclare-t-elle.
Cependant, son monde bascula lorsque, pour la première fois, elle fut confrontée à la haine et à la persécution.
La haine ethnique frappa brutalement la porte de Marie à l'âge tendre de huit ans. " En 1994, après le génocide perpétré contre les Tutsis du Rwanda, un flot de bourreaux en fuite déferla sur la RDC.
Ces extrémistes, nourris de haine ethnique, assassinèrent le fils de notre voisin. Un message brut et violent, non pas pour voler ou se nourrir, mais pour nous avertir du sort qui nous attendait. "
Devant l'escalade de la violence, son père prit la douloureuse décision de les emmener sur la route de l'exil vers le Rwanda.
Marie, désormais réfugiée, faisait partie des 80 000 Congolais ayant emprunté le même chemin, tous unis par des circonstances tragiques.
Sa vie dans les camps de réfugiés fut tout sauf facile. " J'ai grandi dans le camp de réfugiés de Byumba, à moins de 200 km de ma terre natale. Les conditions étaient rudes, mais au moins nous étions en sécurité ", raconte-t-elle.
Avec le temps, ils ont été transférés dans le camp de Mahama, un lieu trois fois plus grand. Elle y a vécu une adolescence difficile, enchaînant les petits boulots pour nourrir sa famille.
" Parfois, je me demande ce qu'aurait été ma vie si j'étais restée sur les collines du Masisi ".
" En dépit des obstacles, j'ai lutté pour que mes enfants aient une éducation. Mon aîné est maintenant à l'université et ma cadette, trilingue, fréquente une école privée. Je souhaite qu'ils grandissent loin de l'horreur de la guerre et de la haine auxquelles j'ai dû faire face. Leur identité, leur naissance ne sont ni un péché ni une fatalité " confie Marie avec détermination.
Malheureusement, la situation au Masisi ne s'est pas améliorée.
" Le génocide se poursuit à l'Est du Congo. Les membres de ma famille qui y vivent sont victimes des pires exactions. " témoigne-t-elle, implorant le gouvernement congolais de les reconnaître en tant que citoyens à part entière.
" Rentrer reste pour moi qu'un rêve inaccessible. Mais peut-être que ce rêve deviendra réalité pour mes enfants ? Je garde encore espoir. " C'est le souhait le plus cher de Marie, un rêve empreint d'amour pour son pays et d'espoir pour un avenir meilleur pour ses enfants.
Franck_Espoir Ndizeye
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