L'affaire Bukanga-Lonzo opposant l'Ex premier ministre Matata Ponyo au Procureur Général près la Cour constitutionnelle continue à diviser les professionnels du droit. Dans leurs récentes analyses, les Professeurs Luzolo Bambi et Banza Malale, ont abordé le sujet de manière symétrique.
Matata Ponyo est-il justiciable devant la cour constitutionnelle ?
Le Professeur Luzolo Bambi, a affirmé que "la cour constitutionnelle est le juge pénal compétent du premier ministre, ancien comme en fonction." Par conséquent, il ne trouve pas d'inconvénients que Matata Ponyo puisse se retrouver devant son juge naturel.
Dans son argumentaire, l'ex-ministre de la justice a soutenu que le premier arrêt de la Cour constitutionnelle avait méconnu l'un des principes fondamentaux du droit celui de la cristallisation. Aussi, il martèle sur le principe qui veut que tout congolais quel qu'il soit ait son juge naturel afin de lutter contre " la République des intouchables."
À propos justement de deux arrêts rendus par la haute Cour sur cette affaire, le Prof Luzolo Bambi a évoqué le principe général de droit qu'une juridiction peut revenir sur sa jurisprudence. " Lorsqu'il y a revirement de jurisprudence, ceci peut avoir un effet rétroactif", a-t-il soutenu.
La Cour ne peut connaître la même affaire deux fois
De son côté, le Professeur Gabriel Banza Malale tout en appuyant partiellement le développement avancé par le Professeur Luzolo Bambi, soulève deux faits. La Cour constitutionnelle a été saisie par la cour de cassation alors qu'elle n'a pas qualité. Ensuite, ayant déjà rendu un premier arrêt
opposable aux pouvoirs publics, autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi que particuliers, elle ne peut connaître de la même affaire deux fois.
" En matière strictement d'interprétation de la constitution, la Cour ne peut pas se permettre de se prononcer sur un fait, vider la question par rapport à tout ce qu'on peut donner comme motivations et prétendre qu'elle peut y revenir", a-t-il soutenu.
" Par ailleurs, pour que celle-ci agisse, il faut qu'elle soit saisie par une catégorie des personnalités (institutions) bien définies par la constitution. Mais parmi ces personnalités, la cour de cassation n'est pas prévue", a précisé Banza Malale.
" J'ai retenu de ce qu'a dit le Prof Luzolo en relevant le principe selon lequel, il est impensable que l'on trouve en République Démocratique du Congo un individu, Président de la République soit-il, premier ministre soit-il, qui ne soit pas justiciable. Qu'il n'ait pas de juge naturel. Mais cette question est déjà vidée par la même constitution à laquelle il a fait référence. Parce que la constitution stigmatise très clairement les circonstances de temps et de lieu en tenant même compte de la matière qui constitue les faits infractionnels pour lesquels le premier ministre, le président de la République peuvent être poursuivis. Il faut suivre l'esprit et la lettre des articles 161 et 164 de la même constitution, vous allez vous rendre compte qu'il n y avait pas vide des prescrits", a-t-il déclaré.
" Nous nous retrouvons devant une question qui exige non seulement qu'on puisse parler du droit constitutionnel, il faut aussi parler du droit pénal, du droit administratif, et même du droit judiciaire. Mais où se trouve le vide? il n y en a pas, pour qu'on prétende par le Professeur Luzolo qu'il s'agisse d'une possibilité par laquelle Matata doit se retrouver devant le juge. Quand il le dit, quelle est l'assise dans la constitution, dans la loi ou la procédure judiciaire de ce qu'il est entrain de défendre ? Il n'y en a pas", a argué le Prof Banza.
Selon sa compréhension, l'approche du Prof Luzolo rentre dans la logique de la doctrine qui doit enrichir le droit positif congolais par rapport aux prescrits des textes qui sont en présence, notamment la constitution d'abord, et des autres lois qui trouvent leur source dans celle-ci.
" Par ailleurs, le droit pénal ne peut pas se permettre d'orienter le droit constitutionnel. C'est plutôt l'inverse. Un enfant ne peut pas prétendre avoir plus d'âge que sa maman. Dans le cas d'espèce, la constitution est la maman, et le droit pénal n'est que l'enfant de celle-ci", a-t-il tranché.
Comment sortir de l'auberge?
Face à cette problématique de l'affaire Bukanga-Lonzo aussi complexe qu'elle soit, comment sortir de l'auberge ? Le Prof Banza Malale épouse l'idée que les juristes de disciplines et tendances opposées se retrouvent autour d'une table afin de dégager la religion qui peut faire l'école congolaise.
" Nous sommes un jeune état qui se veut être de droit. Nous y allons à tâtons. Nous commettons des erreurs. Voilà une question très importante qui donne de la matière intellectuelle aux juristes. Le débat est là. Il faut réunir maintenant les différentes tendances pour les mettre ensemble autour d'une table. Je parle ici des juristes constitutionalistes, des juristes pénalistes, des juristes administrativistes et des juristes procéduriers, en tout état de cause pour examiner la question et constituer la religion qui peut faire l'école congolaise", a-t-il préconisé.
Toutefois fait savoir le Prof Banza Malale, " à l'état actuel des choses chacun qui intervient sur la question a une réponse acceptable par une tendance de juristes. Ce dont on a besoin, c'est la justice qui doit éclairer la société."
Restant droit dans ses bottes, le Prof Banza Malale persiste que la Cour constitutionnelle ne peut revenir pour réviser ou contredire son premier arrêt dans l'affaire Matata Ponyo. " Dans le cas d'espèce, on s'en tient à ça. Tout le reste, ça va participer à l'évolution du droit vers la construction d'un état de droit selon les exigences définitionelles liées à son existence", a-t-il conclu.
Junior Ngandu
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