Dans un des discours resté célèbre, le tout nouveau premier ministre de la jeune république démocratique du Congo " RDC " Patrice Emery Lumumba avait fustigé " un plan de balkanisation de la RDC ". Soixante ans après cette déclaration, la question de la balkanisation est toujours d'actualité.

Tel un serpent de mer, ce débat surgit à chaque fois que le pays traverse une crise politique. Il a connu les sécessions des années 1960-1965, les guerres des années 1990-2000 et la résurgence du M23.

A défaut d'analyser les causes structurelles et profondes des crises récurrentes, on s'imprègne d'un " plan ourdi par les puissances étrangères qui utiliserait le Rwanda pour son exécution ".

On élude ainsi " l'incapacité des gouvernements successifs depuis l'indépendance jusqu'à ce jour à impulser un développement du pays avec un accès aux infrastructures et services sociaux de base par sa population.

On ne dénonce pas assez la corruption endémique, les détournements des fonds publics devenu un sport national pour la classe politique et le poison du tribalisme alimentant ainsi le débat autour d'un éventuel démembrement de la RDC pour faire diversion et éviter d'assumer les responsabilités de la mauvaise gouvernance.

Cette rhétorique émerge lors des crises socio-politiques et charrie les théories du complot impliquant une constellation d'acteurs divers nationaux et étrangers.

Il faut noter que la RDC est issue d'un processus d'une mosaïque de peuples et ethnies (450 au total) qui manquent cruellement d'unité pour fonder une véritable nation. Et les tenants de ce narratif le fonde sur le caractère obsolète des frontières de la RDC.

L'exemple de la Yougoslavie du Maréchal Tito est frappant. C'était un conglomérat de peuples superposant diversité culturelle et religieuse.

L'histoire atteste que le processus du passage de la Yougoslavie des empires à l'Etat-Nation présente des similitudes avec celui qui a abouti à la construction de l'Etat indépendant du Congo par Léopold II à la faveur de la conférence de Berlin de 1885.

Quoique tous les Etats Africains soient issus de ce genre de processus et constituent des mosaïques de peuples et ethnies qui manquent d'unité culturelle pour fonder de véritables nations.
On a remarqué que le discours sur la balkanisation se sert du discours identitaire pour mobiliser.

Dans les années 1960, Moïse Tshombe avait fait appel à l'identité " katangaise " et Kalonji Ditunga dit Mulopwe, chef suprême des lubas, s'inscrivit dans le même schéma.

A ce jour, un mouvement assez fort " Bundu dia Kongo " qui signifie union des Bakongo réclame l'autonomie de la province du Kongo Centrale qui était le Bas Zaïre à l'époque.

La grande caractéristique de tous ces mouvements séparatistes reste la mobilisation de l'identité.
Le 30 juin 2022, lors de la journée de l'indépendance, on avait vu flotter un drapeau de la " République du Kivu " hissé momentanément à Bukavu.

On attribue, sans le démontrer, cette manifestation aux politiciens du Sud Kivu tels que Norbert Basengezi Kantintima, ancien vice-président de la CENI et Marcellin Cishambo Ruhoya ancien gouverneur du Sud Kivu.

Ceux qui crient au loup, sont ces politiciens qui refusent obstinément d'ouvrir un débat sérieux sur les questions fondamentales d'une part de l'enclavement des provinces et d'autre part la gestion économique du pays gangrenée par la corruption et les détournements.

Préférant s'appuyer sur la théorie du complot selon lequel le Rwanda détiendrait un plan de balkanisation pour instaurer son " empire hima ".

Ce qui n'aide pas la RDC à résoudre ses problèmes.

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/La-mythologie-de-la-balkanisation-de-la-RDC.html