Ngabo Gustave a livré son témoignage jeudi 30 novembre 2023 dans le cadre de l'affaire où son père, Dr Munyemana, est jugé pour les crimes de génocide présumés commis dans l'ancienne préfecture de Butare.

Dès le début de son témoignage, Ngabo Gustave, résidant en France, a été convié par le tribunal à exprimer la vérité, soulignant son étonnement de se retrouver devant le tribunal pour témoigner en faveur de son père.

"Je qualifie cette affaire d'incroyable. Il y a 30 ans, le génocide a eu lieu, et il y a 28 ans, cette affaire était en préparation, une affaire truffée de mensonges, où les témoignages sont manipulés et les mensonges sont inventés", a-t-il déclaré.

Ngabo a précisé qu'il avait 12 ans au moment du génocide perpétré contre les Tutsi en 1994. Il a partagé avec la Cour sa surprise en découvrant dans les médias l'annonce du procès du prétendu "boucher de Tumba", faisant référence à son père, Dr Munyemana Sosthène.

"Il y a un article que j'ai lu parlant d'un procès du 'boucher de Tumba' ; ce n'est pas vrai, car ce n'est pas pour cela qu'il est ici. Il n'a jamais ôté la vie à qui que ce soit", a-t-il ajouté, " Le boucher de Tumbe, ce n'est pas mon père. "

Ngabo a raconté à la Cour qu'en 1994, sa mère était en mission en France, les laissant avec leur père qui a pris soin d'eux. Il a souligné l'amour que son père portait à son métier, veillant sur ses patients et tous ceux qui fréquentaient l'hôpital. Même une fois en France, son père était perçu comme un bienfaiteur dévoué.

Interrogé sur la possibilité que les allégations portées contre son père soient authentiques, Ngabo a répondu que c'était impossible. Il a également contesté le témoignage d'un observateur affirmant avoir vu Sosthène Munyemana avec son fils lors d'une patrouille, expliquant que cela ne pouvait être vrai car il était encore un enfant à l'époque.

Ngabo a admis qu'à leur arrivée en France, il ne comprenait pas totalement les événements au Rwanda, mais sa compréhension s'est approfondie, surtout lorsque son père se préparait pour le procès.

Un des juges a interrogé Ngabo sur l'image de son père au Rwanda. Selon lui, son père était une figure respectée en tant que médecin et enseignant à l'Université du Rwanda, ainsi que praticien à l'hôpital.

Le juge adjoint lui a posé des questions sur l'engagement politique de sa famille dans leur pays d'origine. Ngabo a répondu qu'il ne se souvenait pas d'une telle adhésion, soulignant qu'à l'époque, tous les Rwandais appartenaient à un seul parti politique. Il a ajouté n'avoir jamais vu son père impliqué dans les affaires du parti.

Concernant les allégations selon lesquelles son père aurait participé aux patrouilles en tant que médecin, Ngabo a expliqué qu'il s'agissait de patrouilles de sécurité civile, et que son père le faisait comme tout citoyen mais ne négligeait pas ses fonctions médicales pour s'engager dans ces activités.

Interrogé sur l'éventuelle discrimination ethnique à l'école, Ngabo a confirmé qu'il y avait eu un temps où ils demandaient aux élèves s'ils étaient Tutsi.

La question de savoir pourquoi c'était lui qui témoignait a été soulevée, à laquelle Ngabo a expliqué qu'il avait accepté la demande de son père, qui cherchait quelqu'un capable de se présenter devant la Cour et de témoigner, 30 ans après les événements tragiques du génocide anti-tutsi au Rwanda.

Concernant les relations entre son père et Jean Kambanda, Ngabo a admis les connaître, mais seulement après le génocide, niant tout lien avant cette période.

En dépit de leur résidence en France, Ngabo a souligné que son père les encourageait à aimer le Rwanda et à préserver leur culture en parlant la langue Ikinyarwanda.

Sosthène Munyemana fait face à des accusations de " génocide et complicité de génocide ", ainsi que de " crimes contre l'humanité et complicité de crimes contre l'humanité ".

Le médecin résidait dans l'ancienne préfecture de Butare, dans la province du Sud, durant le génocide perpétré contre les Tutsi, qui s'est déroulé d'avril à juillet 1994.

En juin, il fuit le pays avec ses enfants, et après deux mois au Zaïre, rejoint la France pour s'installer à Talence, près de Bordeaux (Sud-Ouest).

Son fils, Gustave Ngabo, quadragénaire bordelais, qui était appelé à la barre, est le cadet de Sosthène Munyemana. Il est Cadre dans le conseil en informatique. Il avait douze ans lors du génocide anti-Tutsi du Rwanda en 1994.

Le procès de Munyemana se poursuit avec l'audition des témoins, tant les accusateurs que les accusés.

Franck_Espoir Ndizeye



Source : https://fr.igihe.com/La-cour-d-assise-de-Paris-ecoute-le-fils-du-Dr-Munyaneza-sur-pere.html