Par ailleurs, certains responsables politiques, depuis Kinshasa, entretiennent ces dynamiques en finançant des forces irrégulières au service des intérêts privés. Dès lors, l'instabilité chronique du pays ne saurait être résorbée sans une refonte structurelle de ses institutions et la restauration effective de son autorité souveraine.

L'interview accordée par Corneille Nangaa, coordinateur de l'Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) a Collette Braeckman du journal belge le Soir, s'inscrit dans un contexte particulièrement tendu marqué par des affrontements persistants entre le Mouvement du 23 Mars (M23) et les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et ses supplétifs.

Lors de cette intervention, M. Nangaa a formulé des observations d'une portée pédagogique, politique et stratégique notable sur les causes réelles, profondes et structurelles de l'insécurité et l'instabilité, les impostures du pouvoir de Tshisekedi et l'hypocrisie des acteurs externes.

D'emblée, le coordinateur de l'AFC/M23 a mis en lumière les causes profondes des crises récurrentes qui secouent la République Démocratique du Congo, insistant sur l'inefficacité structurelle de l'État et les tensions identitaires persistantes.

A travers son analyse, il met en exergue l'incapacité du pouvoir central à instaurer une gouvernance inclusive, soulignant ainsi les fractures sociopolitiques qui alimentent les conflits et légitiment, selon lui, l'existence de son mouvement.

Ce positionnement stratégique révèle une volonté manifeste de l'AFC/M23 de s'ériger en acteur incontournable du paysage congolais, dépassant le cadre strictement militaire pour s'affirmer comme une force politique porteuse d'un projet réformateur.

Car l'AFC/M23 ne se limite pas à une simple contestation armée : il revendique une mission plus vaste, celle de défendre les droits des populations marginalisées et de rétablir une équité politique longtemps bafouée.

En se présentant comme le porte-voix des exclus de la République, le mouvement cherche à asseoir sa légitimité sur le socle de la justice sociale et de la reconnaissance identitaire. Ce faisant, il entend non seulement redéfinir les rapports de force en RDC, mais aussi imposer un discours alternatif à la narration officielle, mettant en cause l'autorité d'un pouvoir central jugé défaillant et discriminatoire.

Cette posture vise sans doute à renforcer la crédibilité de l'Alliance face aux instances régionales et internationales qui scrutent avec attention l'évolution du conflit.

M. Nangaa a mis en lumière l'attitude paradoxale du gouvernement congolais, qui, sous couvert d'une rhétorique victimaire, élude toute remise en question de sa propre responsabilité dans la persistance du conflit. Se drapant dans le déni, les autorités de Kinshasa s'obstinent à privilégier l'option militaire, nourrissant ainsi un cycle infernal de violence au détriment d'une approche politique pourtant essentielle à la résolution durable des tensions.

Cette posture intransigeante, fondée sur l'exacerbation d'un discours accusatoire, sert davantage à détourner l'attention des profondes carences structurelles du régime qu'à proposer une issue viable à la crise.

En parallèle, plutôt que de s'engager sincèrement dans un dialogue inclusif, le pouvoir congolais multiplie les jérémiades sur la scène internationale, cherchant à instrumentaliser la communauté internationale en se présentant comme une victime impuissante face à une prétendue agression extérieure. Par cette stratégie, il sabote méthodiquement toutes les initiatives de médiation, torpillant toute dynamique de négociation susceptible de remettre en cause son monopole politique. Cette duplicité manifeste trahit une volonté non pas de restaurer la paix, mais de pérenniser un statu quo où l'instabilité sert d'alibi à une gouvernance fondée sur la répression et l'exclusion.

Loin d'être une simple déclaration factuelle, l'intervention de M. Nangaa met à jour ce qui est connu de tous, la responsabilité des FARDC et du gouvernement congolais dans la perpétration des atrocités.

En insistant sur les exactions commises par l'armée régulière et en pointant du doigt les dysfonctionnements du pouvoir en place, le coordinateur indique les tensions internes en RDC tout en renforçant la posture de l'AFC/M23 comme alternative légitime.

Implications géopolitiques et régionales

Le conflit dépasse largement le cadre national et s'inscrit dans une dynamique régionale impliquant plusieurs acteurs, dont le Rwanda, l'Ouganda, le Burundi et les trois pays de la SADC qui ont dépêchés des troupes en RDC.

L'intervention de Corneille Nanga doit donc être analysée à l'aune des rapports de force en Afrique centrale, où chaque prise de parole publique a des répercussions sur les équilibres diplomatiques.

L'interview de Corneille Nangaa s'inscrit dans une stratégie de communication calculée, visant à montrer les véritables causes profondes et réelles des crises tout en fragilisant la position de gouvernement congolais mis face à ses responsabilités.

Cette posture, conjuguée aux dynamiques régionales et aux rapports de force en présence, laisse entrevoir des perspectives d'évolution du conflit particulièrement incertaines, où les initiatives diplomatiques et les actions militaires continueront de se heurter dans une lutte d'influence aux répercussions multiples.

Corneille Nangaa, coordinateur de l'Alliance Fleuve Congo (AFC/M23).

Tite Gatabazi



Source : https://fr.igihe.com/La-genese-et-la-solution-des-crises-en-RDC-selon-Corneille-Nangaa.html