
L'opposition, galvanisée par ces errements, ne cesse de hausser le ton, tandis que le spectre du retour de l'ancien président Joseph Kabila vient troubler davantage un paysage politique déjà délétère. Comme si cela ne suffisait pas, la rencontre de Luanda avec l'AFC/M23, censée ouvrir la voie à un dialogue direct, a été reportée sine die.
C'est dans ce contexte d'extrême fragilité que survient un événement aussi inattendu que retentissant : la publication d'un cliché réunissant le président Félix Tshisekedi et son homologue rwandais, Kagame, sous l'égide de l'émir du Qatar, Sheikh Tamim Bin Hamad Al Thani, à Doha.
L'effet de surprise est total. Il est d'autant plus saisissant que le chef de l'État congolais n'a eu de cesse, avec une rhétorique martiale et inflexible, de proclamer qu'il ne rencontrerait plus jamais le président Kagame, si ce n'est dans l'au-delà. Ses discours belliqueux et ses postures intransigeantes laissaient présager un durcissement irrévocable du différend entre Kinshasa et Kigali.
Mais la politique, art du possible, a ses impératifs et ses volte-faces. Acculé de toutes parts, Tshisekedi se voit contraint de composer avec la realpolitik. Doha devient ainsi le théâtre d'une manuvre diplomatique inédite, orchestrée par le Qatar, dont le rôle de médiateur de crises internationales ne cesse de s'affirmer sur la scène mondiale. Pour Tshisekedi, c'est une planche de salut inespérée, mais encore faut-il qu'il sache en tirer profit avec lucidité et constance.
Les enjeux sont immenses. L'accord de cessez-le-feu immédiat, réaffirmé par les parties en présence conformément aux résolutions du sommet conjoint EAC/SADC du 8 février 2025, demeure suspendu à la volonté politique des protagonistes. Mais la signature d'un engagement ne garantit nullement sa mise en uvre effective. Tshisekedi affaiblie par des revers successifs, doit désormais démontrer une capacité à fédérer un consensus national, à restaurer la cohésion interne et à renforcer son appareil diplomatique. Faute de quoi, cette initiative qatarienne risque d'être perçue comme une énième manuvre sans lendemain, laissant la crise congolaise s'enliser davantage dans l'ornière de l'indécision et de la vulnérabilité stratégique.
L'avenir immédiat dépendra donc de la capacité du président congolais à transcender ses postures d'antan pour embrasser une diplomatie pragmatique et rigoureuse. Doha ne doit pas être un énième sursis, mais le point de départ d'une refonte profonde de la gouvernance et de la gestion des conflits en RDC. Le temps n'est plus aux slogans, mais aux actes décisifs.

Tite Gatabazi
Source : https://fr.igihe.com/La-mediation-du-Qatar-dans-la-crise-en-RDC.html
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